12.06.2007 - L'Impartial

Entre bocages protégés et énergie verte, la justice devra trancher

JURA/PEUCHAPATTE - La Fondation suisse pour la protection et l'aménagement du paysage a fait recours, au mois de janvier, contre le projet de Juvent SA qui prévoit d'installer trois éoliennes géantes sur le territoire de la commune du Peuchapatte. La Chambre administrative du Tribunal cantonal avait convié hier les parties à une visite des lieux, suivie d'une audience. Opposants et initiants sont repartis dos à dos.
Entre paysages protégés et énergie renouvelable, pas facile de choisir. Juvent SA, la société gérée par BKW FMB Energie SA, prévoit d'étendre son parc éolien dans la région, où quatre sites ont été retenus, au Peu-Girard (Les Breuleux), à Saint-Brais, à Lajoux et au Peuchapatte. Dans cette dernière petite commune, la plus haute du canton (1184 m), la société prévoit d'ériger trois éoliennes géantes de 140 m, à une distance de 600 m l'une de l'autre, au Point-de-Vue et aux Paigres, sur un terrain qui abrite une zone de bocages. Un projet à cinq millions de francs qui pourrait produire 3500 millions de kilowattheures (kWh) de courant «vert» par an.
Mais la Fondation suisse pour la protection et l'aménagement du paysage (FP) ne l'entend pas de cette oreille. Elle a déposé un recours en janvier contre cette décision, plus précisément contre le rejet d'une première opposition qu'elle avait déposée suite à la modification, par le Service cantonal de l'aménagement du territoire, du Plan d'aménagement local de la commune du Peuchapatte. Cette modification octroyait des dérogations afin de pouvoir construire ces éoliennes sur un paysage protégé.
C'est donc la justice qui devra trancher dans cette affaire. La Chambre administrative du Tribunal cantonal, présidée par Pierre Broglin et composée de Pierre Boinay et Pierre Theurillat, avait donc convié hier les parties adverses sur les lieux, afin de se rendre compte de visu de l'impact qu'auraient ces constructions sur le paysage. Après avoir visité les trois futurs lieux d'implantation, une audience s'est ensuite tenue au bureau communal des Breuleux.
Richard Patthey, de la FP, a confirmé son recours et insisté sur l'incompatibilité entre une zone paysagère protégée et une zone à vocation industrielle. «Le rendement énergétique ne vaut pas que l'on endommage le paysage à ce point-là», a lancé le représentant de la FP, dénonçant de même la modification apportée au plan d'aménagement local.
Evidemment, les arguments sont tout autres du côté des porteurs du projet. René Cattin, du bureau de Météotest, a confirmé que le site avait un potentiel supérieur à celui du Peu-Girard, où les quatre mois de mesures de vent ont été effectués. Oliver Kohle, du bureau Kohle & Nussbaumer, à Lausanne, mandaté par Juvent pour la réalisation du projet, a confirmé les propos du métrologue, ajoutant qu'il s'agit d'une «région très attractive» (réd: 6,5 m/s à 100 m de hauteur) et que les éoliennes seraient adaptées à la situation du site.
Francis Jeannotat, délégué à l'énergie du canton, a pour sa part insisté sur le fait de pouvoir commercialiser «une énergie propre et renouvelable» et que cette dernière est une alternative au charbon, au gaz et à l'énergie hydraulique. «L'intégralité de l'énergie sera utilisée par les consommateurs», a-t-il souligné, expliquant encore que même si 0,0015% de l'énergie provient de l'éolien en Suisse, quatre hélices suffiraient à alimenter les 3700 ménages des Franches-Montagnes (20 couvriraient la totalité des besoins de Delémont).
A l'issue de l'audience, le président Pierre Broglin a accordé un délai de 15 jours aux deux parties pour apporter d'éventuels compléments au dossier. Quel prix doit-on payer pour l'environnement? Le jugement devrait tomber en septembre.
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