JURA - La commune de Saint-Brais a gagné ce pari fou d'abriter sur ses terres le premier parc éolien du canton du Jura. Les autorités se sont associées à deux sociétés suisses alémaniques pour mener le projet à bien. Seul bémol: l'énergie récoltée n'ira pas à Saint-Brais, mais à Zurich.
«Les deux grandes dames se dressent enfin sur les hauts du village, au site dit Le Plain.» Frédy Froidevaux, maire de Saint-Brais, était fier hier d'annoncer la mise en service le 1er octobre prochain des deux premières éoliennes du territoire jurassien. Si la première est déjà en construction, la seconde «grande dame» comme disent les habitants de Saint-Brais, arrivera la semaine prochaine.
Le projet lancé en 1998 par la commune franc-montagnarde est enfin en place. Et en plus d'être l'unique site du genre dans le canton, c'est également le premier parc éolien des citoyens en Suisse. En clair, ces éoliennes sont intégralement la propriété de personnes privées, et non pas d'une entreprise d'énergie. C'est ainsi que fonctionne la société Adev Windkraft AG, basée à Liestal, qui s'est chargée de la construction du parc. Robert Horbaty, directeur du conseil d'administration de la société d'énergie alternative, explique que «plus de 600 citoyens ont rejoint Adev pour financer le parc de Saint-Brais». Une dizaine d'actionnaires romands, dont quelques Neuchâtelois, ont rejoint les rangs. «Sur un investissement total de 10,9 millions de francs, 3,7 millions proviennent de ces citoyens», résume Andreas Appenzeller, gérant d'Adev.
«A l'avenir, je ne pense pas qu'il sera possible de faire de plus grandes éoliennes que celles-ci en Suisse», annonce fièrement Robert Horbaty, spécialiste dans le domaine. Les éoliennes de Saint-Brais mesureront 119 mètres de hauteur et les pales, ou hélices, auront un diamètre de 82 mètres. Des sacrés engins, donc. «Il faut 10 camions rien que pour monter la grue», explique Jean-Michel Birling, chef de projet venu d'Alsace. «Pour une éolienne du modèle supérieure, il aurait fallu disposer de 40 camions. Essayez de trouver un site en Suisse qui puisse contenir tout ça!» Les deux éoliennes produiront sept millions de kWh par année, ce qui correspond à la consommation de 2000 ménages ou 10% de la consommation de Delémont pour une année.
Mais ni Saint-Brais, ni le canton ne profiteront de cette source d'énergie alternative. La ville de Zurich bénéficiera de la totalité de l'énergie produite. Le service de l'électricité de la ville (Ewz) a acheté le courant du parc éolien. «Nous en avons besoin car nos clients nous réclament du courant de production écologique», affirme Gian Carle, responsable commercial chez Ewz.
Lorsque nous demandons au maire Frédy Froidevaux pourquoi sa commune ne reçoit rien, il explique simplement que, «faute de moyens, il n'y aura pas d'énergie à Saint-Brais. Mais je suis fier qu'elle soit produite dans notre petite commune.»
Maigre consolation.
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D'autres parcs au Jura?
«Je soutiens les sites éoliens, mais il faut faire un énorme travail de réflexion. Où on peut en faire, il faut le faire.» Frédy Froidevaux, maire de Saint-Brais, est un partisan de l'énergie éolienne. Mais pas si elle est faite n'importe comment. Sur le site Le Plain, les conditions étaient excellentes, même s'il a fallu renforcer la ligne haute tension. Le parc est situé sur les premières crêtes après la vallée du Doubs, ce qui signifie beaucoup de vent. Le seul problème, c'était le canton. Il n'y avait aucune législation concernant ces parcs. «Tout s'est fait en parallèle du projet»: Frédy Froidevaux grimace en expliquant qu'il y a «des projets avec une vingtaine d'éoliennes dans l'Arc jurassien.» C'est trop, même si le maire a déjà lancé un avant-projet d'agrandissement pour son parc. Selon lui, un projet ne peut aboutir que si la population est parfaitement informée. Ce qui a été le cas à Saint-Brais.