NEUCHATEL - Un projet de loi vert voulait étatiser loctroi de concessions éoliennes.
La démarche était inédite. En automne 2008, le député vert Laurent Debrot avait initié un projet de loi donnant la priorité aux collectivités publiques pour exploiter lénergie éolienne ou octroyer des concessions, comme dans le domaine hydroélectrique. Repris par la commission législative, le texte sera soumis mercredi prochain au Grand Conseil. Il devrait logiquement être refusé: deux avis de droit soulignent quil est «contraire au droit public actuel», position reprise par la commission législative.
Lidée des Verts nétait pourtant pas farfelue. Elle visait à calquer la législation en matière dénergie éolienne sur la loi cantonale sur les mines et les carrières afin de faire entrer le vent dans la catégorie des «choses sans maître», selon la définition du Code civil suisse. Le parallèle permettrait à lEtat de prendre la main sur lexploitation du vent et détendre une marge de manuvre qui se limite jusquici à lédiction de normes en matière de construction et daménagement du territoire. De quoi éviter «le développement anarchique des projets» et la transformation de lénergie éolienne en «bien spéculatif».
Intérêt jurassien et valaisan
Saisie, la commission législative a demandé un arrêt de droit pour déterminer la légalité du projet de loi sur des questions non encore tranchées (A qui appartient le vent? Quelle est létendue verticale de la propriété? Est-il possible de prévoir des concessions?). Sa rédaction a été confiée à Florence Guillaume, professeur à la Faculté de droit de lUniversité de Neuchâtel. Intéressés par la démarche, les cantons du Jura et du Valais ont participé à son financement.
Lavis de droit ne ferme pas la porte au principe dune concession, pour autant quil y ait «un intérêt public». Mais il est très clair sur le principe de propriété: lair ou le vent «appartiennent à tout le monde» et ne rentrent pas dans la catégorie des «choses sans maître». Les cantons nont donc pas la compétence de légiférer en la matière.
Florence Guillaume ne tranche pas la question de lexpropriation dun propriétaire pour soumettre à concession la construction et lexploitation déoliennes, ce point relevant «du droit administratif». Pour éclaircir ce point, la commission a demandé un second avis de droit au Service juridique de lEtat. Il conclut que le canton peut exproprier un bien-fonds «à condition que le Grand Conseil, ait, par décret, déclaré le projet dutilité publique». Mais, souligne-t-il, «faute de détenir un monopole quelconque en matière déoliennes, lEtat ne peut accorder de concession. Par conséquent, le projet de loi [
] nest pas réalisable.»
«Le débat est ouvert»
Laurent Debrot est «un peu déçu» par cet épilogue. «On aurait bien sûr préféré que les juristes disent que le vent est la propriété de lEtat. Mais le projet de loi a eu le grand mérite douvrir le débat. Il a sensibilisé la population à limportance de garder la main sur lénergie éolienne. Aux collectivités publiques, maintenant, de prendre la problématique en main.»
Le député espère que le Réseau urbain neuchâtelois (RUN) concrétise lidée de créer une société intercommunale chargée dexploiter lénergie éolienne. «Quoi quil arrive, nous allons être très vigilants. Les pouvoirs publics ont la responsabilité de ne pas laisser faire nimporte quoi.»
Projet de loi
Avis de droit I
Avis de droit II