RÉACTION POPULAIRE - Un nouveau parc éolien est en phase d'étude aux Franches-Montagnes: sol-E Suisse projette d'implanter quatre turbines à Lajoux, et six à huit sur les communes bernoises voisines de Rebévelier et Châtelat. Craignant de voir les choses se précipiter, des citoyens lancent une pétition demandant un moratoire sur le projet. Pour laisser à la population le temps de la réflexion.
«Nous ne voulons pas d'un village sinistré, d'un paysage dégradé. Si on ne se pose pas les questions maintenant, cela ne servira à rien de pleurer ensuite.» Le Djoulais Pierre Gogniat a décidé de se «mouiller» pour éviter à Lajoux de vivre le même scénario que Saint-Brais et le Peuchapatte, où la population a accepté l'implantation d'éoliennes et en réalise les désagréments aujourd'hui. Avec son épouse Mariette, Claude et Catherine Brahier, et l'artiste-peintre Sylvère Rebetez, tous de Lajoux, ils se mobilisent face au projet de parc éolien à l'étude. Par devoir citoyen.
Quatre éoliennes pourraient pousser sur la commune, à Fornet-Dessus, site prioritaire selon le Plan directeur cantonal. La filiale des FMB sol-E Suisse prévoit aussi six turbines à Rebévelier et éventuellement deux à Châtelat, qui n'est pas un site prioritaire. Les éoliennes produiraient chacune 4 millions de kilowattheures par an, l'équivalent de la consommation de 1000 ménages, et culmineraient à 140 mètres. Le promoteur prévoit d'investir entre 5,5 et 6,5 millions de francs par turbine, selon le coordinateur du projet Walter Schmid. Les terrains convoités sont en mains privées.
En plus d'un fort impact visuel, les adhérents au moratoire craignent des nuisances sur la santé des voisins, dues au bruit, aux infrasons ou aux effets stroboscopiques, ainsi qu'une perte de la valeur immobilière. L'artiste-peintre Sylvère Rebetez se désole de voir fleurir les projets éoliens industriels un peu partout dans la région et compare ce mouvement au projet de place d'armes aux Franches-Montagnes, qui avait fait long feu à l'époque grâce à une forte mobilisation populaire. «Il faut se battre pour sauver la seule richesse que nous ayons ici, les paysages. D'ailleurs, la production de ces machines est une bagatelle sur toute l'énergie consommée en Suisse. Ce n'est pas une alternative sérieuse au nucléaire.»
Mariette Gogniat estime qu'il est urgent d'agir: «Les promoteurs sont pressés, ils sentent le vent tourner et entendent les réactions qui se multiplient.» Le comité récoltera des signatures ces prochains jours pour remettre la pétition au Conseil communal au début de l'année, afin que la population puisse voter sur un moratoire lors d'une prochaine assemblée communale. «Nous n'avons pas fixé de délai dans notre moratoire», note Pierre Gogniat. «Nous ne voulons pas mettre la pagaille, ni contrer les autorités à tout prix.»
Contacté, le maire de Lajoux Francis Guerne se dit ouvert à la discussion. «Le mieux serait d'organiser une assemblée communale extraordinaire pour parler de tout cela. Ce qui est sûr, c'est qu'aucun parc éolien ne se fera sans l'adhésion du peuple.» Il note toutefois que le Conseil communal soutient le projet à l'unanimité. «Nous avons négocié un plan très correct, avec des dédommagements pour tous les voisins subissant une gêne.»
Des études d'impact sur l'environnement ont été réalisées et transmises aux services jurassien et bernois de l'aménagement du territoire. La commune devra ensuite réaliser un plan spécial, qui sera soumis aux citoyens, «probablement pas avant 2012», selon Francis Guerne.