LE NOIRMONT - Le vote des 239 ayants droit n'a pas fait l'ombre d'un pli. Décidément, les temps sont durs pour les éoliennes industrielles dans les Franches-Montagnes.
La liste s'allonge. Après La Chaux-des-Breuleux, Les Genevez, Les Enfers et Muriaux, Le Noirmont est devenue la cinquième commune des Franches-Montagnes à s'en prendre aux éoliennes industrielles. Les citoyens ont opté à une écrasante majorité pour un moratoire de dix ans sur toute nouvelle construction. L'assemblée communale extraordinaire de lundi soir a réuni 239 ayants droit. De mémoire d'anciens, pareille affluence ne s'était plus vue depuis le vote sur la création du nouveau complexe scolaire et celui lié au Centre de loisirs. Eh oui, ça remonte!
Des gens debout, certains dans le corridor, d'autres assis par terre: on a manqué de place et de chaises à l'aula des Espaces scolaires. C'était prévisible. Le dossier éolien interpelle. Pour des questions pratiques, la présidente Raymonde Gaume a limité les interventions à deux par personne. Les débats, courtois, ont duré 40 minutes. C'est dire si les citoyens avaient déjà effectué leur choix avant l'assemblée. Le contre-projet élaboré par la majorité du Conseil communal? Balayé! Le bulletin secret a été demandé, mais finalement refusé, les 10% des présents n'ayant pas été atteints. Les trois scrutateurs n'ont pas eu besoin de compter, tant les mains levées quand il a fallu approuver le moratoire furent nombreuses. Concrètement, un deuxième vote s'avère désormais nécessaire dans le but d'approuver le nouveau règlement communal sur les constructions.
Favoriser le photovoltaïque
Rapidement, l'observateur a senti de quel côté le vent allait tourner. Au terme de son exposé, le conseiller communal Jean-Daniel Tschan, président de Librevent, l'association à la base de l'initiative demandant le moratoire et qui a récolté 298 signatures, a été applaudi. Ce ne fut pas le cas quand la maire Denise Girardin a plaidé pour le contre-projet appuyé par le législatif noirmontain.
Au risque de se répéter, on mentionnera que les arguments des anti-éoliens sont archiconnus depuis les expériences qualifiées par beaucoup de «malheureuses» du côté de Saint-Brais et du Peuchapatte. Toutefois, Jean-Daniel Tschan avec sa devise «Réfléchir avant d'agir» a balancé une proposition concrète lundi soir. L'élu entend favoriser le photovoltaïque. Il espère que la commune du Noirmont avalisera la charte énergétique approuvée par une dizaine de communes du Jura historique. «Le photovoltaïque fédère, l'éolien divise.»
La maire Denise Girardin avait le mauvais rôle. Pour elle et sa majorité, les jeux étaient perdus d'avance. Avec pragmatisme, elle a insisté sur le fait que pas la moindre bécane ne sera construite sur la commune du Noirmont sans l'aval de ses habitants. Et qu'aucune étude n'est lancée pour l'instant. Certains se sont interrogés sur l'attitude du canton (lire ci-dessous). Au vrai, personne n'a été franchement rassuré. L'élaboration d'un plan spécial, la seule véritable solution aux yeux de la majorité du législatif noirmontain, n'a pas convaincu. «Ce plan spécial, c'est un piège», a éructé un participant. «On doit voter le moratoire. Et ce soir, c'est le printemps franc-montagnard qui commencera et non pas le printemps arabe!»
Un autre, tout aussi catégorique: «L'attitude du Conseil communal, c'est comme une souris dans un fromage. Ça commence par des petits trous, puis il n'y a plus de fromage!» Peu d'intervenants ont pris la parole pour défendre le contre-projet. «Une bande de lynx que les promoteurs», s'est plaint un riverain des trois éoliennes du Peuchapatte. «Ils ont osé dire à ma femme que lorsqu'elle aura pris de l'âge, elle entendra moins le bruit...»
Autant être sourd que d'entendre ça...
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Que va faire le canton?
C'est la grande question. Et force est d'admettre que les différents services de l'administration jurassienne peinent à se mouiller sur l'aspect juridique lié aux décisions prises par les communes qui ont voté soit un moratoire, soit une prohibition totale à l'encontre des éoliennes industrielles.
Lundi soir, la maire du Noirmont Denise Girardin a révélé que le Service de l'aménagement du territoire (SAT) lui a assuré qu'il pouvait délivrer un permis de construire contre la volonté populaire. «Au sujet du moratoire, ils ne savent pas trop, mais ils ne l'excluent pas», a-t-elle encore ajouté.
Mais pour de nombreux Noirmontains, il est impensable que les plus hautes autorités politiques du canton passent outre la volonté du bon peuple. Ils ont évoqué «un signal fort» que le Gouvernement ne pourra pas ignorer. Pour rappel, l'exécutif cantonal a gelé toute demande de permis relatif à la construction de nouvelles d'éoliennes industrielles, en tout cas jusqu'en 2013, voire 2014.