ACTE D'ACCUSATION - Voici les faits retenus par le Parquet contre lex-employé de la régie et un entrepreneur tessinois de léolien.
Un ex-employé des Services industriels de Genève (SIG) et un chef dentreprise tessinois actif dans léolien seront jugés pour corruption cette année devant le Tribunal de police.
Selon nos renseignements, le premier procureur Stéphane Grodecki a rendu son acte daccusation dans ce sens le 23 décembre. Daprès le document que nous avons consulté, lentrepreneur tessinois, qui devra répondre de corruption active, est suspecté davoir corrompu en 2011 lex-employé des SIG, qui aurait agi «en qualité dagent public» contre les intérêts de son employeur.
Le Ministère public suspecte le directeur tessinois, jadis partenaire des SIG, davoir versé, par lintermédiaire de son entreprise et dans le cadre dune commande dun ouvrage, un pot-de-vin déguisé de 180 000 fr. à lépouse de lex-employé des SIG. Cette somme correspondrait, selon un contrat officiel, à la rédaction dun ouvrage. En particulier au rachat des droits dauteur du livre traitant de léolien. Selon lacte daccusation, il sagit là «dune structure juridique de convenance».
Stéphane Grodecki écrit que «ce montant indu est sans commune mesure avec la valeur réelle des droits dauteur». Ce versement serait, daprès le Parquet, un remerciement à lex-employé, qui aurait favorisé cette entreprise tessinoise dans des négociations passées avec les SIG. Lexpert mandaté par la justice conclut en effet que louvrage a une faible valeur marchande, «qui peut être estimée dans une fourchette de 5000 à 10 000 fr.». Lacte daccusation estime que le montant se situe entre 10 000 et 20 000 fr.
180 000 fr. dépensés
Louvrage, que nous avons consulté, contient quelque trente interviews de personnes actives dans le secteur de lénergie. En 2014, le Parquet estimait quil avait été vendu (pour une trentaine de francs) à vingt exemplaires, dont un en librairie.
Pour Me Alexandre de Weck, représentant du prévenu tessinois, la procédure démontre que son client «na commis aucune irrégularité et est accusé à tort, et que cest la haute direction des SIG qui voulait entrer en partenariat avec les Tessinois pour accéder au marché éolien. Et non linverse. Le service juridique des SIG et leurs avocats ont négocié les partenariats avec professionnalisme. Il est exclu que les dés aient pu être pipés.» Quant au prix payé pour le livre, lavocat affirme quil a été versé «à lauteure de louvrage, qui a le seul tort dêtre mariée à un ex-employé des SIG. La relation de travail avec cette employée était connue de la régie publique.»
Daprès Me Olivier Wasmer, avocat de lex-employé des SIG poursuivi pour corruption passive, les centaines dexemplaires de louvrage distribués lont été afin de promouvoir le secteur éolien en Suisse auprès des propriétaires fonciers, des autorités politiques et de la population en général: «Cest un ouvrage de marketing, et non de littérature, destiné à provoquer des retombées économiques.»
Pour la défense, la valeur du livre «réside ainsi essentiellement dans le soutien à lénergie éolienne témoigné par les 29 personnalités venant dhorizons très différents interviewées dans louvrage, dont un ancien président de la Confédération».
Où sont les 180 000 fr.? «Ils ont bien été versés comme convenu sur le compte UBS commun que mon client avait avec sa femme, précise Me Wasmer. Je précise que le couple vivait sous le régime de la séparation des biens. Largent est parti dans lhypothèque de leur maison, pour les impôts et pour les frais médicaux de leur enfant lourdement frappé dans sa santé.»
«Leader des négociations»
Ce nest pas tout, à en croire lacte daccusation. Lex-employé des SIG devra comparaître pour des faits datant du printemps 2010. Dans le cadre dun partenariat développé entre la régie publique et une société active dans lénergie renouvelable, il aurait tenté dobtenir 100 000 fr. pour son propre compte lors dune rencontre à Lausanne. Cela afin dêtre remercié de ses efforts, relève lacte daccusation. Selon le Parquet, laccusé, «leader des négociations au sein des SIG», a violé son devoir de fidélité envers son employeur. «Il navait pas de pouvoir décisionnel, conteste son avocat. Et cette affaire des 100 000 fr. nest pas établie.»
Stéphane Grodecki ne fait pas de commentaire, comme Me Saverio Lembo, avocat des SIG, «qui réserve ses arguments à la justice». Laudience, qui devrait avoir lieu avant lété, na pas été agendée.