BIODIVERSITÉ - Avis contradictoires au sujet de limpact de léolien sur la faune.
En ouvrant le «Courrier du Val-de-Travers» du 17 décembre, les habitants du lieu ont pu découvrir, en couleur, limage dune cigogne mutilée. «Le bec coupé par une pale déolienne», loiseau sanguinolent a été, dit la légende, «ramassé dans un parc éolien en Allemagne». Lannonce indique que «les éoliennes industrielles tuent de nombreux oiseaux et chauve-souris sans aucun dispositif efficace pour lempêcher».
Fabienne Chapuis-Hini, la présidente de lassociation Les Travers du vent à lorigine du référendum contre la suppression des zones protégées du plan local daménagement du village de Buttes, assume le message choc. Autant quelle en souffre: «La nuit après avoir découvert cette image jai eu du mal à dormir», souffle-t-elle.
Un massacre programmé?
Alors, faudra-t-il, pour profiter de lénergie du vent, accepter que la Montagne de Buttes se transforme en cimetière à oiseaux?
Ce nest pas lavis de François Turrian, directeur romand de lAssociation suisse pour la protection des oiseaux Aspo/BirdLife Suisse (Aspo), qui avoue consacrer un quart de son temps au dossier éolien.
Tout en se disant convaincu que l«énergie éolienne na pas grand avenir en Suisse» étant donné la faiblesse et lirrégularité des vents, il estime que «limplantation de quelques éoliennes se justifie». Car il faut aussi «régler la question du climat».
Dès lors lAspo sest résolue à «combattre les parcs les plus dommageables» pour la faune ailée. En insistant sur un point: «La mortalité par impact direct est une chose, mais ce nest pas le plus important. Avec une éolienne de 200 mètres de hauteur, cest tout un territoire qui devient inhabitable pour les oiseaux.» Ainsi, autour dune éolienne, 300 à 500 mètres deviennent infréquentables pour les petits oiseaux, 1,5 kilomètre pour les grands rapaces.
Cest en raison de ce type de considérations que lAspo sétait opposée au plan éolien cantonal. «A lépoque, et contre le préavis de ses propres services, le canton navait pas tenu compte de nos revendications justifiées contre limplantation dun parc éolien dans le secteur de La Vue-de-Alpes - Gurnigel», rappelle-t-il. Ce secteur constitue «un habitat très précieux pour de nombreuses espèces menacées». Ce parc «reste dans le viseur» de lAspo, prête à défendre son point de vue devant les tribunaux, assure-t-il.
Collaboration
Cela nempêche pas lAspo de collaborer étroitement avec le canton et les promoteurs du parc éolien de la Montagne de Buttes. «Nous avons été associés au projet dans le but de laméliorer.» Et la démarche est couronnée de succès. «Nous avons pu très rapidement faire écarter du plan dorigine une éolienne problématique.» De plus, «létude dimpact a permis damener de véritables mesures de compensation écologiques qui favoriseront la biodiversité». Tous les propriétaires fonciers se sont engagés à respecter des mesures qui favoriseront la reproduction de lalouette lulu, qui trouve ici son unique habitat au nord-ouest de la Suisse. Bref, pour le biologiste, le parc éolien de la Montagne de Buttes «peut être implanté sans trop de dommages.»
Le biologiste compte aussi pas trop sur les dispositifs qui seront implantés lors de la phase dexploitation. Des techniques différentes sont testées. Il sagit darrêter les éoliennes lorsque des oiseaux arrivent à proximité ou de les en éloigner grâce à des sons diffusés par haut-parleur.
Fabienne Chapuis-Hini ne croit pas du tout à lefficacité de tels dispositifs: non seulement «ça ne marche pas», mais surtout les producteurs naccepteront pas la perte de productivité quils induisent. Elle sinterroge aussi sur la valeur de tests «dans les Grisons, sur une seule machine située en altitude, au lieu de se faire dans un parc éolien, par exemple au Mont-Crosin.»
François Turrian comprend la méfiance affichée par la présidente des Travers de vent. «Mais affirmer que ces dispositifs ne marchent pas du tout est tout aussi excessif que de prétendre que cest la panacée.» Le doute économique est également justifié. Ainsi, pour protéger les chauves-souris, il faudrait arrêter les pales chaque fois quil fait chaud par petit vent. Une perte de production incompatible avec lobjectif de rentabilité des promoteurs. Cest pourquoi, plutôt que de mettre ses espoirs dans des solutions techniques censées corriger les défauts des éoliennes, François Turrian préconise une «planification judicieuse». En clair: pas déolienne là où elles entrent en conflit de manière massive avec la biodiversité.
Cest à quoi servent les études dimpact et le travail effectué par la Station ornithologique de Sempach sur mandat de lOffice fédéral de lenvironnement (voir lillustration). On y voit que la chaîne jurassienne est cataloguée principalement en zones de risques élevés ou très élevés. Une référence pour négocier des aménagements ou obtenir labandon de certains sites.
Où est la vérité?
Sur la Toile, la bataille fait rage. Protecteurs de la nature par définition écolos et tenants du développement des énergies vertes tout aussi écolos senvoient mutuellement à la tête des noms doiseaux.
Des études montrent la réalité du phénomène. Ainsi, selon lune delle datant de 2012, un demi-million de volatiles meurent chaque année sur le sol américain tué par les aérogénérateurs ou par les impacts indirects.
Ce chiffre serait toutefois largement sous-estimé, selon les opposants à lindustrie éolienne, qui articulent le chiffre de quatorze millions doiseaux tués par an aux Etats-Unis (un par jour par chacune des 52 000 éoliennes en service). Les pro-éolien, eux, accusent leurs adversaires de désinformation et notent que les oiseaux meurent dans des proportions plus importantes pour dautres raisons: chasse, pesticides, destruction des habitats.
INFO +
Quelques sites internet:
LE CONTEXTE
Parmi les arguments des opposants au développement de léolien, celui des oiseaux tués par les pales, est lun des plus susceptibles de convaincre des citoyens sensibles à la nécessaire protection de la biodiversité. Dans le cadre de la campagne référendaire, les opposants au parc éolien de la Montagne de Buttes publient une annonce choc dans le «Courrier du Val-de-Travers». Quel crédit accorder à cette alerte?