VALLEE DE JOUX - Diplomatie - Prévu à deux pas de la frontière, le parc dEoljoux avait déclenché un bras de fer international. Les diplomates tentent desquiver un nouveau clash.
Le Canton de Vaud prévoit plusieurs parcs éoliens près de la frontière. Après la grogne provoquée par le projet Eoljoux, la France veut uniformiser les procédures.
Alors que le Canton prévoit pour lheure quatre parcs éoliens dont les pales seront visibles de lautre côté de la frontière, la France et la Suisse veulent éviter un nouvel incident diplomatique sur les alpages du Jura.
Premier et dernier en date, le projet Eoljoux sétait attiré les foudres des riverains et, à les entendre, de la moitié de lHexagone. Et pour cause. Porté par les communes de la Vallée, ce parc de sept éoliennes de 200 mètres de haut est prévu sur un plateau situé à 3 km du Brassus. Et à 200 mètres des premières maisons françaises de Bois-dAmont, à en croire les détracteurs du parc. Cest la mise à lenquête du plan daffectation qui avait mis le feu aux poudres. Tant les voisins que le maire et plusieurs sénateurs sétaient dits outrés dêtre, officiellement, avertis au dernier moment. Bref. Après des appels aux ministres français, des pétitions et une demande officielle de renoncement au projet vaudois, laffaire nest à ce jour de loin pas réglée. Le préfet du Jura français doit même prochainement se rendre à la Vallée.
Cette légère odeur de surchauffe électrique dans les relations de bon voisinage, les diplomates entendent désormais la court-circuiter. Fin janvier, à Lausanne, la délégation française du dernier Dialogue transfrontalier a demandé, et obtenu, la création dun groupe de travail pour uniformiser les procédures.
Ce quils demandent? Plus de fluidité. «Actuellement, il y a comme un flou juridique, résume Thierry Brunet, chargé de mission de coopération transfrontalière à la préfecture de la région Bourgogne-Franche-Comté. Les dossiers arrivent tard dans le processus, et prennent du temps à faire le circuit complet. Les préfets nont ensuite que peu de temps pour évaluer si leur territoire est impacté ou non par les éoliennes suisses.» Pionnier en son genre, le dossier Eoljoux avait été envoyé «la veille» par le Canton au Ministère de lenvironnement, avec copie au département du Jura. Il avait été retourné depuis Paris en plein pendant les élections, pour le pataquès quon connaît.
Anticiper
Les diplomates proposent de mettre au point deux méthodes communes: un meilleur délai, et un contenu adapté des dossiers. A ce jour, Français et Suisses divergent sur linterprétation des conventions internationales (lire ci-dessous), avec pour effet une mésentente sur la mise à lenquête du parc.
A lavenir, les territoires français concernés devraient pouvoir être officiellement prévenus plus tôt des enquêtes on parle dans lidéal de trente jours et au moyen de «pièces de dossiers» compatibles avec les procédures hexagonales. En clair, lidée est de désamorcer plus rapidement les inévitables tensions provoquées par les parcs vaudois repoussés aux confins du canton.
Pas de quoi rassurer les élus français pour autant. «Plus il y a de concertation en amont, mieux cest, réagit le maire de Bois-dAmont, François Godin. Mais cest trop tard pour nous. On nous a informés au début, mais la technique a évolué plus vite que le processus. On a appris tardivement que ce seraient des éoliennes hautes de 200 mètres. On comprend la souveraineté des Suisses, mais ici les gens ont eu limpression de subir.»
Auteur dune interpellation de la ministre de lEnvironnement, Ségolène Royal, le sénateur du Jura Gérard Bailly a été averti du lancement de ce groupe de travail par le ministre des Affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault. «Au moins on est pris au sérieux, sourit-il. Mais tenir au courant nest pas tout. Il faut surtout que les Suisses poussent les études dimpact des deux côtés de la frontière. Les éoliennes ne doivent pas altérer les relations entre les communes.»
Reste que du côté suisse, le projet peine à déclencher les passions. Le Canton refuse pour lheure de se prononcer sur une démarche nationale, tandis que Berne précise que, si les principes sont convenus, rien nest encore formellement défini.
_____________________________
Un casse-tête juridique
Quels sont les délais pour tenir informé son voisin dun projet impactant dune manière ou dune autre son territoire? En matière déoliennes, il y a pour lheure une école française, et une approche toute vaudoise. Les juristes suisses se basent sur plusieurs éléments. Il y a tout dabord la LAT, qui stipule que les cantons doivent collaborer avec le pays voisin. Sans plus de précisions.
Sy ajoute le jugement rendu par le Tribunal cantonal à propos du projet éolien de Sainte-Croix. Aux opposants, la Cour avait rétorqué que la convention internationale en matière de construction transfrontalière, la convention dite dEspoo, ne sappliquait pas, puisque les éoliennes ne figuraient que dans une liste qui nest formellement pas encore entrée en vigueur. Et ce quand bien même la Suisse et la France lavaient ratifiée. Pour les juristes de lHexagone en revanche, la même convention reste toutefois ouverte quant au type de construction pouvant impacter le voisin, et ce même sans citation explicite.
Reste que, pour lheure, aucun texte ne mentionne de délai obligatoire. Le dialogue transfrontalier a encore des progrès à faire.