VALLORBE - La commune du Jura Nord vaudois se prononce dimanche 5 juin sur un projet de six éoliennes, contesté par un référendum. En parallèle, divers opposants ont fait recours auprès du Tribunal cantonal.
Le parc éolien Sur Grati, sur les crêtes jurassiennes qui surplombent Vallorbe, Premier et Vaulion, déchaîne les passions. Attaqué par plusieurs recours (lire ci-dessous), le projet de six hélices géantes de 207 mètres (pales déployées) est aussi contesté par un référendum à Vallorbe, où les citoyens se prononceront le 5 juin sur un plan partiel d'affectation (PPA). Depuis plusieurs semaines, l'ambiance est électrique dans la cité.
Développé dès 2009 par les trois communes et la société électrique locale VO Energies SA, majoritairement en mains publiques, le parc éolien pourrait approvisionner en électricité environ 11 000 ménages, selon ses promoteurs. «Cela permettra d'obtenir, en bilan annuel, une autonomie énergétique de la région, alors que la production couvre aujourd'hui 25% de la consommation», défend le syndic de Vallorbe Stéphane Costantini.
Pour l'élu, ce projet est en phase avec la volonté de la Confédération de sortir du nucléaire. «L'éolien est complémentaire à l'hydraulique, au solaire et à la biomasse. Les économies d'énergie sont nécessaires mais pour le reste nous voulons un courant le plus propre possible.» Il est aussi «100% réversible», poursuit-il. Selon lui, les six mats sont démontables en deux mois à peine, si à l'avenir une meilleure solution était trouvée.
Cette promesse, les opposants n'y croient pas une seconde. «Une fois installées, les éoliennes resteront», prévient François Leresche, membre du comité de l'association SOS Jura Vaud Sud, à l'origine du référendum. Sur le fond, il estime que l'impact sur l'environnement naturel d'un tel projet est bien trop important pour des résultats énergétiques plutôt modestes.
«La Confédération espère implanter 900 éoliennes sur les crêtes du Jura, soit un parc d'hélices géantes tous les 500 mètres entre Genève et Bâle, relève-t-il. C'est une altération totale du paysage, une perte immense pour les habitants.» Pour quel résultat? Avec l'éolien, Berne veut couvrir 7% de la consommation helvétique. «Un tel sacrifice pour un si faible objectif est inutile. Il faut privilégier d'autres solutions, comme le solaire.»
Pour Stéphane Costantini, le projet Sur Grati est pourtant mûrement réfléchi et comporte bien d'autres avantages. Il évoque notamment les nombreuses mesures de compensation pour l'environnement (préservation de biotopes, rénovation de murs en pierres sèches, etc.) et des revenus non négligeables pour les communes, estimés à 144 000 francs par an et par commune. A cela s'ajoutent des retombées positives pour l'économie locale. Sur les 60 millions de francs d'investissements prévus, à charge de VO Energies SA, plus de 11 millions bénéficieront directement aux entreprises de la région, argumente le syndic.
De leur côté, les opposants pointent l'opacité autour des aspects financiers du dossier. «On ne connaît pas le business plan de Sur Grati, qui n'a jamais été dévoilé dans le détail, critique François Leresche. Nous avons des doutes fondés sur sa rentabilité.» En particulier, les mesures de vent auraient été menées selon une méthode «surannée». «Les objectifs annoncés ne pourront pas être tenus», assure-t-il.
Faux, rétorque Stéphane Costantini: «Nous avons étudié ce projet pendant huit ans, dont deux ans de mesures de vents. Nos projections sont très prudentes.»
Quoi qu'il en soit, le sort de Sur Grati ne dépendra pas que du scrutin de ce week-end. En début de campagne, les municipalités de Premier et de Vaulion ont assuré qu'elles iraient de l'avant quel que soit le résultat. Les éoliennes sont en effet situées sur leurs territoires. Le périmètre du PPA serait toutefois à revoir, avec des retards à la clé. «Je les comprends, souligne le syndic de Vallorbe. En cas de non, nous nous retirerons du projet mais nous n'empêcherons pas les autres de continuer.»
Pour sa part, François Leresche voit dans l'attitude des deux villages voisins un «effet d'annonce», voire une «menace». «Pour ces petites communes, il sera difficile de poursuivre sans Vallorbe, qui joue le rôle de pilote. Si c'est non, nos autorités devront respecter la volonté populaire et s'opposer à Sur Grati.»
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Une pluie de recours
La justice se penchera sur le parc éolien Sur Grati. Quatre recours distincts ont été déposés au Tribunal cantonal, après la levée des oppositions confirmée par le canton en février. Leurs buts ne sont pas forcément identiques.
Outre le recours de lassociation locale SOS Jura Vaud Sud, associée à divers particuliers, plusieurs organisations de protection de la nature et du paysage sont entrées dans la bataille, comme Pro Natura et BirdLife Suisse, qui contestent limpact des éoliennes sur les oiseaux et les chauves-souris.
Les deux organisations attendent toujours les résultats dune étude des impacts cumulés des projets éoliens de lArc jurassien, comme lEtat la promis en 2014. A proximité de Sur Grati, deux autres parcs sont effectivement prévus, ceux de Bel Coster (9 éoliennes) et du Mollendruz (12 éoliennes).
A côté, la fédération des anti-éoliens Paysage-Libre Vaud fait recours commun avec Helvetia Nostra et la Fondation suisse pour la protection et laménagement du paysage, sous légide de lavocat et ancien conseiller dEtat Pierre Chiffelle. Avec un nouvel argument récemment sorti de leur chapeau: la protection du patrimoine. Selon lui, les éoliennes affectent visuellement des sites protégés par linventaire fédéral ISOS, tels que le village de Vaulion et le bourg médiéval de Romainmôtier.
Enfin, dans un autre registre, Swisscom a aussi fait recours pour des raisons techniques. Une antenne et des installations de communication sont présentes à 150 et 650 m de deux des six éoliennes prévues, une proximité contraire aux directives de lOffice fédéral de la communication.