GENEVE - Un ancien employé des Services industriels de Genève et un spécialiste tessinois des énergies renouvelables sont accusés davoir trempé dans une affaire de pot-de-vin. Tous deux contestent les faits.
Les énergies renouvelables baignaient dans un air plutôt vicié aux Services industriels de Genève (SIG). Accusé de corruption passive, un ancien responsable des projets éoliens au sein de la régie publique comparaît depuis lundi devant le Tribunal de police. A ses côtés, le patron dune société tessinoise est poursuivi pour avoir versé un pot-de-vin. Les faits sont contestés. «Toute cette histoire, cest du vent», assurent les protagonistes de ce dossier assez rocambolesque.
Procédé peu apprécié
Lassocié dune société active en Valais, par qui le scandale a été révélé, est venu confirmer son récit à la barre des témoins. Lors dun déjeuner au restaurant de laéroport de la Blécherette, il assure que P., grand manitou du pilotage des projets éoliens aux SIG, lui a demandé 100000 francs en guise de remerciements pour un partenariat en bonne voie de validation. Cétait en mai 2010 et son avocat, qui dit la même chose, était présent.
«Jai longtemps travaillé dans des pays en voie de développement et je naime pas ce genre de procédé», souligne lintéressé. Il précise sen être ouvert au conseiller national Roger Nordmann. Le socialiste vaudois lui conseille de ne pas laisser passer ça et lui organise une rencontre avec André Hurter, à lépoque directeur général des SIG. «Il nétait pas très content dentendre ce qui sétait passé», ajoute le témoin.
Affaire enfouie
Laffaire reste longtemps enfouie au fond des tiroirs de la régie. Il faudra attendre 2014 et une dénonciation de la Cour des comptes, qui livre par ailleurs un sévère rapport sur les dysfonctionnements de la gouvernance et des projets éoliens, pour que lenquête pénale démarre en fanfare.
A ce moment, P. a déjà été écarté de lentité des nouvelles énergies renouvelables, puis détaché auprès dune autre société. Ses supérieurs semblaient craindre sa capacité de nuisance. Lancien patron des SIG ainsi que le directeur du service juridique sont poursuivis pour leur silence mais la procédure est finalement classée par le procureur Stéphane Grodecki. Lindemnisation est toutefois refusée et le dossier est au Tribunal fédéral sur ce point.
«Pure folie»
De son côté, P., défendu par Me Olivier Wassmer, affirme navoir jamais sollicité dargent et nie même lexistence du déjeuner avec le Valaisan et son avocat. «On ne sest jamais retrouvé tous les trois, cest une certitude». Le prévenu explique que ce témoin avait des comptes à régler et que lui-même, bien payé, navait aucune raison de prendre un tel risque. «Cela aurait été pure folie».
Cest au cours de ses investigations que le procureur est tombé sur un versement suspect de 150000 francs au nom de lépouse du prévenu. Un paiement effectué par lautre accusé de ce procès, à lépoque où sa société a conclu trois importants projets éoliens avec les SIG, qui vont causer des pertes denviron 68 millions à la régie publique, et sapprête à célébrer le mariage qui donnera naissance à Ennova.
Le livre de la discorde
Z., lentrepreneur tessinois défendu par Me Alexandre de Weck, affirme que cette somme na rien à voir avec une manoeuvre corruptrice. Lépouse de P., avec laccord des SIG, travaillait bien pour sa société dans le support administratif. En février 2010, alors que léolien peine à simposer, il décide, dit-il, de publier un ouvrage promotionnel en vue du symposium Energissima et en confie la rédaction à madame. Il avait déjà eu recours à limage de Lara Gut pour valoriser léolien.
Lépouse de P. réalise des interviews de personnalités et plagie des introductions romancées tirées dun ouvrage sur les Croisés belges pénalistes écrit par un certain Manuel Pontresina, qui se révélera être le pseudonyme littéraire de son mari. Elle invente des ballades au Tessin, décrit son air frais, ses odeurs de basilic et ses plats. Cela donne un livre de 149 pages, intitulé Les pionniers suisses de léolien.
Cher payé?
Pas un peu cher payé, sinterroge la présidente Isabelle Cuendet? Au procès, lépouse assure avoir travaillé plus de mille heures sur cette oeuvre publicitaire. Au moment de discuter le prix avec Z., la situation était délicate et elle en a profité. «Cest un homme généreux et il a aussi tenu compte de la maladie de mon enfant».
Le Tessinois confirme. Mis sous pression par les SIG qui ne voulaient pas de la femme de cet employé controversé chez leur futur associé, il devait se séparer delle et craignait une procédure pour licenciement abusif, voire des retombées médiatiques négatives. «Cétait pénible dun point de vue éthique de la licencier dans ces conditions. Jai accepté la somme pour éviter les tracas et calmer le jeu».
Plutôt raté. A cause de cette affaire, qui a beaucoup affecté ses proches, Z. a quitté les Verts et démissionné de ses mandats. Des torts qui seront plaidés ce jeudi.