JURA - Le combat contre léolien met le feu aux Franches-Montagnes, terre jurassienne de contestation.
Trois jours après le sabotage dun parc éolien à Saint-Brais, tout semble calme aux abords des deux éoliennes de 120 mètres qui surplombent depuis 6 ans ce village, situé à 967 m daltitude. Les lettres «FLS» grattées sur un caisson et un pylône par un activiste semblent faire écho au FLJ du Front de Libération du Jura davant la création du canton, mais personne ne sait sil faut lire Front de Libération de Saint-Brais. Au pied de léolienne 1, la station électrique carbonisée est sanglée pour retenir la porte fracturée. Lincendiaire a aussi grimpé les quinze marches menant à la porte daccès du pylône, pour arracher six lames métalliques sur la porte, sans parvenir à entretenir les flammes à lintérieur.
Qui a accédé à cette prairie entre Saint-Brais et Montfaucon, vendredi soir, en passant vraisemblablement par un chemin daccès compartimenté par trois clédars? Cest vers 20 h 30 que lincendie de la production électrique a été signalé à la police jurassienne.
«La bise a soufflé durant un mois. Cest le vent qui a créé le plus de nuisances sonores», indique Jean-Daniel Tschan, président de lassociation Librevent et fer de lance des opposants, en suggérant que «quelquun a peut-être pété les plombs». Depuis, les pales tournent lentement et inutilement. Face au chemin daccès, en bordure de la route cantonale, deux habitants qui résident à moins de 300 m du parc éolien ont des avis diamétralement opposés: «Ce sabotage est une atteinte à la démocratie», dit la paysanne. «La démocratie na jamais existé», rétorque Claude Bourquard, luthier. «Quand le brouillard propage le bruit des pales, ça fait un boucan denfer. Et, entre les pales, il ny a pas de silence comme entre deux voitures», explique ce dernier. Hier, il navait pas connaissance du sabotage: cest «Le Matin» qui la informé
La paysanne, elle, tient à son anonymat, par crainte dembrouilles: «Ces éoliennes, je ne les remarque plus. Quand la bise les fait tourner plus vite, cest que le temps ne permet pas de se tenir dehors.» Vendredi soir, comme les 220 villageois, elle a subi une coupure de courant dune heure sans guère sen formaliser.
Désaccord profond
Sur les réseaux sociaux, cest lartiste Philippe Queloz qui est montré du doigt, auteur dune uvre où les mots «désinformation», «colonisation», «industrialisation» et «spéculation» forment le mât et les trois pâles dune éolienne. Sa maison affiche «Non aux éoliennes». «Quand jai appris le sabotage, je me suis dit quil servait la cause des partisans, pas celle des opposants», se défend le Jurassien. Le maire Fredy Froidevaux a dit son indignation au Quotidien Jurassien en évoquant les opposants: «Ces gens font eux-mêmes plus de bruit que les deux machines qui sont sur la colline!» Le conseiller national Eric Nussbaum a condamné le sabotage, ce à quoi Jean-Daniel Tschan rétorque qu«il ferait mieux de produire lélectricité dans son canton et de ne pas créer de nuisances aux Jurassiens».
Ce nest pas «Non», mais «Nein» qui a été tracé par lincendiaire sur une plaquette, comme pour répondre dans la langue de la société ADEV Windkraft. «Ny voyez pas lesprit des Franches-Montagnes. On ne veut pas passer une fois de plus pour des Indiens», implore une agricultrice, en précisant que le bénéfice généré par le parc éolien va à la commune, pas à un particulier.
Le fossé entre les partisans et les opposants du courant éolien se creuse dans tout larc jurassien, mais son symbole reste Saint-Brais en raison de la proximité du parc et du village. «Cest moins léolienne qui est combattue que le profit réalisé par lhomme», précise Claude Bourquard. Vous avez dit têtu? «Disons que dans ce petit coin de pays, nous sommes aussi bien éduqués quailleurs, mais nous nous laissons moins manipuler», conclut-il en souriant.